Le Syndicat des Professeurs de la Ville de Paris

Historique

Un corps plus que centenaire…

Si l’on trouve des professeurs municipaux à Paris dès le milieu du XIXe siècle, c’est à partir du 9 mai 1944 que se constitue le corps des professeurs de la Ville dans sa forme moderne. Un « Statut des enseignements spéciaux du département de la Seine » est arrêté par décision préfectorale et approuvé par les autorités de tutelle le 17 août 1944. De nombreuses mesures transitoires seront prises par la suite, pour aboutir au statut du 1er octobre 1948 qui restera en application jusqu’à la mise en extinction du corps décrétée en 1964. Les professeurs intéressés par l’histoire de notre corps, au moins en éducation musicale, pourront se référer à l’ouvrage de notre collègue Claire Fijalkow : Deux siècles de musique à l’école – Chronique de l’exception parisienne 1819-2002 aux Édition l’Harmattan – 2003 – Collection Sciences de l’Éducation musicale.

L’ancien corps : une organisation solide et structurée…

A quoi ressemblaient donc nos vénérables prédécesseurs ? Il n’est pas inutile pour les plus jeunes de savoir sous quel régime travaillaient ceux qu’on désignait alors sous le nom de « professeurs spéciaux ». Généralement après le baccalauréat, ils passaient le concours qui leur ouvrait les portes du « Cours normal de la ville de Paris ». Dans chacune des disciplines, cet établissement strictement municipal dispensait une formation de trois cycles : la préparation au concours du professorat de la ville de Paris, la préparation au CAP nécessaire pour la titularisation et le perfectionnement pour les professeurs titulaires. Les élèves du Cours normal s’engageaient à servir au moins dix années dans les écoles de la ville, sous peine d’avoir à rembourser leurs frais d’études. Ces professeurs intervenaient en « enseignement commercial, langues vivantes, dessin (on ne parlait pas alors d’arts plastiques, et encore moins d’arts visuels), enseignement professionnel masculin, chant (et non pas éducation musicale) et éducation physique (qui n’était pas encore sportive), coupe et couture, enseignement ménager » sur l’ensemble des écoles primaires du département de la Seine, c’est-à-dire Paris et l’actuelle petite couronne. Rappelons que l’enseignement primaire comprenait également les classes de « fin d’études » qui préparaient au Certificat d’études. Les maxima de service étaient très variables selon les disciplines enseignées, allant de 15 heures hebdomadaires pour l’enseignement commercial et les langues vivantes jusqu’à 35 heures pour les professeurs d’éducation manuelle et technique (25 heures d’enseignement et 10 heures de préparation et d’entretien à l’atelier). En ce qui concerne nos trois disciplines actuelles, c’était là encore la disparité, puisque les service hebdomadaires pouvaient aller de 16 à 20 heures en fonction des barèmes, mais parfois (souvent) bien davantage sans paiement d’heures supplémentaires.

Les professeurs spéciaux étaient inspectés et notés par le corps des « Inspecteurs généraux des enseignements spéciaux du département de la Seine » et clairement assimilés aux professeurs de l’État.

Ils étaient nommés par l’Inspecteur général de l’Instruction publique, directeur des services d’enseignement de la Seine, agissant en vertu d’une délégation préfectorale. Ils étaient responsables civilement et pédagogiquement de leurs élèves, et appliquaient un protocole qui précisait que « le professeur qui débute prend sa classe au coup de sifflet et fait monter sa classe. Le professeur qui termine descend sa classe et la fait sortir ». Rien n’interdisait donc légalement à l’instituteur de sortir de l’école puisqu’il n’était plus officiellement en service pendant les interventions.

En 1947, la puissante CGT qui revendiquait 5,5 millions d’adhérents explosa. Sous l’impulsion de Léon Jouhaux, se créa une nouvelle tendance, la CGT-FO, aujourd’hui Force Ouvrière. Les enseignants de la Confédération, réunis dans la Fédération Générale de l’Enseignement, craignant de se trouver écartelés entre ces deux tendances, choisirent de prendre leur autonomie et créèrent en 1948 la Fédération de l’Éducation Nationale (FEN). Sa principale force était le Syndicat National des Instituteurs (SNI), devenu depuis le Syndicat des Enseignants (SE). brochureC’est entre autres par un syndicat affilié à la FEN, le SNAES, officiellement « Syndicat national autonome des professeurs spéciaux de la Ville de Paris et du département de la Seine », que furent défendus et représentés les professeurs de l’ancien corps de la ville.

L’éclatement du département de la Seine…

Le 10 juillet 1964, une loi sur la réorganisation de la région parisienne, prévoyant la création de nouveaux départements sur trois ans, mit fin à l’existence du département de la Seine et institua la création de ce que nous connaissons aujourd’hui, à savoir le département 75 (qui a gardé son ancien numéro bien qu’il ne corresponde plus à l’ordre alphabétique), et les départements périphériques actuels, 92, 93, 94 et 95.

Il était bien évident que la ville de Paris, devenue aussi nouveau département, n’entendait plus désormais rémunérer des professeurs pour le compte de départements qu’elle ne gérait plus. Ce fut le signal de la mise en extinction du corps des professeurs spéciaux de la Seine. Le cours normal cessa ses activités en 1966 et le recrutement fut tari. Beaucoup d’anciens professeurs qui enseignaient dans la banlieue et n’avaient pas pu terminer leur cursus complet d’étude et de formation en raison de la fermeture du cours normal, continuèrent d’être rémunérés en tant qu’auxiliaires par la Préfecture de la Seine. Ceux qui disposaient de tous leurs diplômes furent intégrés à l’État dans le secondaire.

Les « maîtres délégués » et la création du SNADEM…

Le statu-quo persista quelques années jusqu’en 1972 où, sous la pression des parents d’élèves et des instituteurs, fut recréé un corps transitoire des « maîtres des enseignements spéciaux, délégués dans les écoles élémentaires ». Ces professeurs étaient assimilés aux PEGC (professeurs d’enseignement général des collèges) et classés en catégorie A. Les professeurs de l’ancien corps qui enseignaient encore en élémentaire à Paris et dans la petite couronne furent invités à s’y intégrer par voie de concours. Ce corps eut une existence très éphémère mais permis de recruter quelques professeurs.

Un nouveau statut des « maîtres délégués pour l’enseignement du dessin, de la musique et de l’éducation physique dans les écoles primaires de la Ville de Paris » fut adopté le 16 septembre 1974. Quelques mois naissance plus tard, les statuts du « Syndicat national Autonome des maîtres spécialisés pour l’enseignement du Dessin, de la Musique et de l’Éducation physique » étaient déposés à la Préfecture de Paris. Le Snadem était affilié à la toute puissante Fédération de l’Éducation Nationale (FEN).

Les premiers maîtres délégués furent recrutés parmi les professeurs auxiliaires de l’ancien corps qui n’avaient pu intégrer le corps des « maîtres des enseignements spéciaux ». Des concours sur titres et sur épreuves furent organisés en 1975. Ceux qui échouèrent à ces deux concours demeurèrent maîtres auxiliaires dans leurs départements, mais on estime qu’environ 160 professeurs furent purement et simplement remerciés.

Ces professeurs auxiliaires de l’ancien corps intégrés sous le statut de maîtres délégués connurent un net recul de leurs conditions de travail et de rémunération. Ils perdirent la catégorie « A » et la responsabilité civile des élèves. Il semble que, pendant un court laps de temps, deux corps intervinrent dans la plus grande confusion : les anciens « maîtres des enseignements spéciaux », toujours en catégorie « A » et disposant de la complète responsabilité civile et pédagogique, et les nouveaux « maîtres délégués », de catégorie « B », avec un statut largement plus défavorable. Leurs obligations de service étaient fixées à 24 heures hebdomadaires. Ils n’étaient plus inspectés et notés par leurs inspecteurs spécialisés mais par les « Inspecteurs Départementaux de l’Éducation nationale » (IDEN). Leur mission était ainsi fixée : les maîtres délégués « coopèrent avec les instituteurs à l’enseignement des trois disciplines. Ils sont associés par le directeur de l’école à toutes les activités de coordination nécessaires ». Ce corps, calqué sur celui des instituteurs, prévoyait initialement deux grades : maître délégué et maître délégué spécialisé. Ce second grade ne put jamais être mis en place. Si la feuille de paye des maîtres délégués provenait bien de la ville de Paris, leur gestion était confiée à l’Éducation nationale qui procédait à leur affectation, d’une manière plus ou moins fantaisiste et avec d’étonnantes diversités de fortune. Bien que tous soient astreints à un service de 24 heures hebdomadaires, il n’était pas rare que certains soient affectés pour seulement 20 heures, voire moins, en fonction des besoins du service et de la loterie de la carte scolaire.

Dès la rentrée 1975-1976, les premiers concours externes furent organisés avec un recrutement au niveau Bac. Nombreux sont les professeurs issus de ces concours internes ou externes qui sont encore aujourd’hui en fonction. Leur situation était alors des plus inconfortables : peu ou pas de matériel, aucune reconnaissance, aucune formation pour les nouveaux recrutés. Ils étaient taillables et corvéables à merci, à la disposition des instituteurs et des directeurs,. Beaucoup se souviennent sans doute de l’époque où les emplois du temps étaient établis en fonction de l’ancienneté des instituteurs dans l’école, les plus anciens se réservant d’autorité les « meilleurs » créneaux, laissant aux plus jeunes ceux qu’ils jugeaient moins attractifs.

Les premières victoires du SNADEM…

Le statut de maître délégué prévoyait un grade de maître délégué spécialisé, auxquels auraient dû accéder par barème ou par concours quelques professeurs chargés d’intervenir dans les classes spécialisées et d’assurer des tâches de formation en direction de leurs collègues. Ce grade n’étant pas mis en place, les maîtres délégués, sous l’impulsion du SNADEM, décidèrent d’engager un mouvement de protestation et refusèrent d’enseigner dans les classes spécialisées. Cette action se prolongea pendant de nombreux mois, malgré les menaces et les pressions – certains furent même sanctionnés – sans pour autant que le mouvement faiblisse.21 heures Dans le même temps, le SNADEM obtenait la validation des services d’auxiliaires pour la retraite à partir de douze heures de service hebdomadaire. Cette mesure était particulièrement importante pour les professeurs de l’ancien corps qui n’avaient souvent été affectés que sur des services incomplets et qui risquaient de perdre la prise en com14 févrierpte, pour leur pension, de nombreuses périodes d’activité.

Peu attractif, le statut des maîtres délégués engendrait une pénurie de recrutements et une hémorragie de ces enseignants qui quittaient bien vite un corps peu reconnu et peu rémunéré. Le Snadem initia une longue série d’actions pour obtenir une diminution du nombre d’heures de service, qui passa de 24 heures à 21 heures au 1er janvier 1982. Parallèlement, les actions pour le grade spécialisé continuèrent.

Les professeurs de la Ville…

Le statut de 1982

Toutes les conditions étaient alors réunies pour revendiquer un statut plus intéressant et plus valorisant, en catégorie « A ». Après d’âpres négociations avec la mairie, le SNADEM obtint le statut des « Professeurs de la Ville » voté au Conseil de Paris le 22 novembre 1982 et qui entra en application le 1er janvier suivant. Il prévoyait, outre le titre officiel de « professeur » qui redorait singulièrement l’image d’enseignants jusque-là simples « maîtres délégués », un alignement sur les indices PEGC, soit une revalorisation des salaires de 20% échelonnée sur trois ans. Il officialisait en outre la formation, mais il ne comportait pas encore mention de la catégorie A ni aucune référence à l’Éducation nationale. Tous les maîtres délégués furent intégrés dans ce nouveau corps, sans avoir à passer d’examen ou à présenter de titres, comme cela avait été demandé par le Préfet. Ce statut fut immédiatement attaqué en Tribunal administratif par la CGT, le SGEN-CFDT et la préfet, recours qui fort heureusement fut classé sans suite. Simultanément, la Ville de Paris prenait en main la gestion administrative complète du corps et créait le Bureau des Professeurs.

Le statut de 1990

La gauche alors au pouvoir avait répondu favorablement aux revendications des instituteurs en créant le corps de Professeurs des écoles. Il était fondamental pour les professeurs de la Ville d’obtenir eux aussi un statut qui mentionne officiellement la catégorie « A », les mettant ainsi sur un pied d’égalité avec leurs collègues de l’Éducation nationale. Les revendications, les négociations et les actions du SNADEM furent là encore déterminantes et un nouveau statut fut adopté le 11 décembre 1989 par le Conseil de Paris, avec effet au 1er septembre 1990. La catégorie « A » y était officiellement mentionnée et la grille indiciaire des professeurs était alignée sur celle des certifiés, ce qui induisit une nouvelle revalorisation de 10 à 20% selon les échelons.

Ce statut instituait également l’échelon hors classe, le passage direct au 4e échelon pour les stagiaires titularisés (contre 6 à 7 ans précédemment). Il officialisait le CAP et offrait la possibilité de détachement, ne remettant en cause ni notre régime d’avancement ni notre régime de vacances et de congés.statut

S’il était affilié à la Fédération de l’Éducation Nationale, le SNADEM ne disposait pas alors d’une organisation syndicale parisienne qui lui permît d’être représenté au sein des grandes instances parisiennes. Ce fut la raison pour laquelle, avec d’autres organisation de catégorie « A, » il participa à la création de l’Union des Syndicats de Cadres de Paris, organisation qui s’allia à l’Union Nationale de l’Encadrement Territorial-Confédération Générale des Cadres (U.N.E.C.T.-C.G.C.) pour former en novembre 1991 l’actuelle UCP (Union des Cadres de Paris).

Les années 1988-1992 marquèrent sans aucun doute une époque faste pour notre corps. Des campagnes publicitaires furent lancées, des affiches vantant nos mérites furent placardées dans les rues et sur les abris bus, notre image est alors au plus haut. Nous étions le « fer de lance » de la Mairie. Ce qui ne gâtait rien, l’argent coulait à flot et le pharaonique projet d’entreprise élaboré par la DASCO, sur le modèle des entreprises privées, engloutit près d’un million quatre cent mille francs de l’époque entre 1989 et 1992. Il en sortit la création des Circonscriptions des Affaires Scolaires (CAS) et un journal d’information des personnels de la Dasco « Interlignes », aujourd’hui disparu.

Il serait fastidieux d’énumérer les innombrables avancées obtenues par les revendications et les actions des professeurs de la Ville réunis au sein du SNADEM : les chargés de mission, les professeurs relais, l’indemnité ZEP pour les collègues enseignant en école puis en piscine, le temps partiel modulé, la formation initiale et continuée, la régularité des inspections, le matériel spécifique, la transparence des barèmes. Tant pour le mouvement que pour les promotions, il est peu d’amélioration et de victoires qui n’auraient été acquises sans la mobilisation de tous les professeurs. Ceux qui ont connu les années « maîtres délégués » pourront expliquer aux plus jeunes toute l’étendue du chemin parcouru.

Parmi d’autres victoires, il faut rappeler en 1985 l’intégration dans le corps des certifiés de l’État de 52 professeurs spéciaux en éducation physique et sportives de l’ancienne Seine qui n’avaient pu intégrer le corps des maîtres délégués et étaient restés en position d’extinction dans les communes de banlieue où ils exerçaient.

Le Snadem s’ouvrit également aux professeurs de l’école d’Alembert (école d’enseignement technique du département de Paris spécialisé dans les métiers du livre et la menuiserie) qui obtinrent, grâce à l’action syndicale, un statut particulier de professeurs certifiés analogue à celui des professeurs certifiés de l’Éducation nationale.

Plus récemment, une section du Snadem a été créée à l’école d’horticulture du Breuil, avec pour revendication actuelle la mise en conformité du statut des Professeurs Certifiés de la Ville de Paris qui enseignent dans cette école avec ceux de la Fonction Publique Territoriale. Ils demandent en outre la garantie du niveau de rémunération des Professeurs Certifiés Permanents de la Ville de Paris qui est particulièrement menacé.

Le pari de l’UNSA…

De par son mode de fonctionnement en tendances, institué dès sa création en 1948, la FEN était en proie à de graves conflits internes qui s’exacerbèrent lors du congrès de Clermont-Ferrand en 1991. Le congrès extraordinaire de Créteil en 1992 concrétisa l’implosion de la fédération. Deux importants syndicats firent scission., Rapidement rejoints par d’autres, ils s’organisèrent en CLU (Comités de liaison Unitaires) avant de créer le 15 avril 1993 la « Fédération Syndicale Unitaire » (FSU). Amputée d’une partie importante de ses adhérents, la Fédération de l’Éducation Nationale perdit sa place prépondérante dans le secteur de l’enseignement et de la culture. Elle trouva une alliance avec d’autres syndicats autonomes, souvent issus, comme elle, de la scission de la CGT en 1947, et participa en 1993 à la fondation de l’UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes) dans laquelle elle se fondit, devenant l’UNSA-Éducation à partir du Congrès de Pau en décembre 2000.

Le SNADEM, s’il ne fut pas épargné dans le passé par les divergences et les frictions internes, eut toujours le réflexe sensé de refuser les déchirements et de préférer le débat à la division, en intégrant au sein de ses instances toutes les sensibilités politiques et tous les courants de pensée. Les professeurs de la Ville ne sont pas assez nombreux pour s’entredéchirer et s’affaiblir. Ils savent que seule l’unité est garante d’efficacité. Au sein de la Ville de Paris, l’UNSA devint en quelques années une force syndicale reconnue, et c’est fort logiquement que le Snadem quitta l’Union des Cadres de Paris avant les élections paritaires de 1998 pour se présenter sous l’étiquette de sa famille historique.

Notre organisation fut également membre fondateur de l’Union locale UNSA-Administrations parisiennes qui regroupe actuellement, outre le Snadem, le Syndicat autonome de la Ville de Paris, le Syndicat des Attachés de la Ville de Paris, le Syndicat du Centre d’Action Sociale, le Syndicat Indépendant de la Préfecture de Police, le Syndicat National des Enseignants et Artistes, et qui s’apprête à intégrer le Syndicat National des Agents de l’Éducation Nationale et le Syndicat des Bibliothèques. Troisième organisation syndicale parisienne après les élections paritaires de 2000-2001 avec 13,62% (derrière les 36,72% de la CGT et les 19,17% de la CFDT), l’UNSA peut espérer cette année augmenter significativement sa représentativité, et pourquoi pas, devenir la deuxième centrale syndicale de la Ville de Paris.

Les années 2000 – Le temps des attaques et des doutes…

Le conflit de la natation scolaire :

Notre corps est spécifique, il appartient à l’histoire de Paris et, comme l’histoire de Paris elle-même, il est régulièrement secoué par les remous, les soubresauts et les mutations de la société. Parmi les conflits qui ont touché les professeurs de la Ville depuis de nombreuses années, celui des MNS (Maîtres-Nageurs Sauveteurs) devenus ESAN (Éducateurs Sportifs des Activités Nautiques) reste l’un des plus longs, des plus durs et des plus traumatisants pour nos collègues. Dès la fin de l’année 1992, les maîtres-nageurs initièrent un premier mouvement pour revendiquer l’enseignement de la natation scolaire, comme ils le font partout en France, mais qui, en raison de l’exception parisienne, a toujours été entièrement dévolue à notre corps. Les professeurs comprirent alors que cette menace ne concernait pas seulement les collègues d’éducation physique et sportive, mais également toutes les disciplines qui pouvaient un jour où l’autre se voir amputées d’une partie de leurs prérogatives. Ce premier mouvement suscita une grande mobilisation des professeurs de la Ville et se solda par un compromis qui comportait en germe les conflits à venir. Les maîtres nageurs obtinrent 5% de l’enseignement de la natation scolaire en 1993.

Un second mouvement des ESAN fut lancé à la rentrée 2000. Les éducateurs sportifs paralysèrent les piscines pendant près de 18 mois, sinon avec la bienveillance de la DJS, tout au moins avec une étonnante indifférence, puisque aucune sanction financière ne vint pénaliser des personnels qui avaient pris en otage l’ensemble des élèves de la capitale pour imposer leurs revendications. Cette action, largement conduite par la CFDT, prit d’emblée un ton agressif et insultant qui plongea nos collègues dans la colère et le désarroi.

La municipalité de l’époque assista avec impuissance à ce conflit et se montra incapable d’y trouver une solution responsable, ferme et pérenne. D’atermoiements en tergiversations, la situation perdura et s’enlisa. Près de 500 professeurs de la Ville de nos trois disciplines répondirent à l’appel du SNADEM pour une journée de grève et de manifestation le 8 mars 2001 et se retrouvèrent à l’Hôtel de Ville pour clamer leur colère et leurs inquiétudes. A cette occasion, une pétition comportant 12.000 signatures recueillies par nos collègues auprès des parents d’élèves, des instituteurs et professeurs des écoles, fut remise au maire adjoint qui nous accorda bien volontiers son soutien, sachant déjà, au vu des sondages, qu’il n’était plus là pour très longtemps.

Pressée par les parents d’élèves et les enseignants de l’Éducation nationale, la nouvelle municipalité hérita d’une situation devenue intenable. Elle proposa une cote mal taillée sous la forme de deux protocoles distincts qui laissèrent les deux parties insatisfaites. Le SNADEM soumit la signature de son protocole au suffrage de l’ensemble des professeurs de la Ville en exercice dans les trois disciplines, qui l’approuvèrent à plus de 86%. Si ce protocole accordait la moitié de la natation scolaire aux éducateurs sportifs, par contre, les professeurs de la ville de Paris gagnaient une heure de réduction hebdomadaire de service et la création de 35 postes budgétaires. Un pis aller et une solution à court terme qui ne règla pas grand-chose.

D’articles de presse en rapports, les PVP dans la tourmente…

Force est de reconnaître que sous les mandatures socialistes de Bertrand Delanoë, le corps prestigieux – « fer de lance » de la politique municipale –, semblait être devenu celui des vilains petits canards. Éric Ferrand, l’adjoint au maire pour les Affaires scolaires, même s’il affichait sa volonté de nous défendre, nous déclarait sans ambages qu’il ne comprenait pas pourquoi la ville payait des agents chargés d’accomplir des missions qui relevaient de l’Éducation nationale. Sur le terrain, beaucoup de professeurs eurent le sentiment que la municipalité cherchait bien davantage à les cacher qu’à les mettre en valeur. Parallèlement à cette morosité municipale, les régressions sociales s’enchaînaient au plan national. Sous le gouvernement Raffarin, la réforme des retraites de 2003 aligna le régime des fonctionnaires sur celui du privé. Il fallait désormais cotiser 40 annuités pour pouvoir prétendre à une retraite à taux plein, et 41 ans étaient prévus à l’horizon 2012. (42 ans désormais suite à la nouvelle réforme de 2013). Le 25 mai 2003, plus de 600.000 manifestants battaient le pavé parisien, et, à l’appel du Snadem, de très nombreux professeurs de la Ville cessaient le travail et se joignaient au cortège. En vain. Coup de couteau dans le dos des salariés, François Chérèque, alors secrétaire général de la CFDT, signait secrètement un accord avec le gouvernement, qui faisait voler en pièces l’unité syndicale.

En 2004, un rapport virulent de l’Inspection Générale de l’Éducation Nationale (IGEN) mit notre corps en accusation. Bien que reconnaissant la qualité du travail effectué et l’investissement des professeurs de la Ville, le rapport pointait notre coût (alors estimé à 39 millions d’euros), et, plus grave encore, nous accusait de participer à l’échec scolaire par la multiplication des intervenants dans les écoles et le manque de travail en concertation avec les équipes. Le rapport nous reprochait en outre d’imposer dans les écoles des emplois du temps incohérents davantage inspirés par des convenances personnelles que par l’intérêt des élèves, et de démotiver les enseignants de l’Éducation nationale. Dans ses conclusions, l’Inspection générale préconisait notamment « l’intervention hors temps scolaire des PVP pour les classes du cycle 2, sous forme d’ateliers, sur la base du volontariat des élèves… »

La Révision Générale des Politiques Publiques (RGPP) initiée par le gouvernement Sarkozy en 2007 prévoyait le non-remplacement d’un fonctionnaire sur deux. Même si le maire de Paris avait déclaré qu’il n’appliquerait pas cette mesure et qu’il fonctionnerait à budget constant, l’émergence de nouveaux besoins et de nouvelles priorités impactaient évidemment les effectifs de tous les agents de la Ville. Un recrutement dans une direction devait mathématiquement se traduire par un départ dans une autre. Le corps des PVP ne fut pas épargné. Les postes mis au concours se raréfièrent, avant un gel total à partir de 2009. Les plus grandes inquiétudes étaient alors justifiées quant à notre avenir.

Les années 2010. Le bout du tunnel ?

Le statut :

Depuis de la rentrée 2010, les professeurs des écoles étaient recrutés au niveau master. Même si nos concours étaient gelés, notre statut prévoyait toujours le recrutement au niveau licence. Il était donc essentiel pour les professeurs de la Ville d’aligner leur statut sur celui des enseignants homologues de l’État. Cette revendication non négociable, condition indispensable pour relancer les concours, fut satisfaite après plus de deux ans de tergiversations, de réunions programmées, annulées, ou inutiles. Suite à un préavis de grève déposé par le Snadem pour le 26 septembre 2011, l’administration annonçait enfin le vote prochain des modifications statutaires et l’arrêt (timide) du gel des concours. Dans sa séance des 12 et 13 décembre 2011, le Conseil de Paris votait les articles qui officialisaient la masterisation de notre corps et une revalorisation indiciaire des 3ème, 4ème et 5ème échelon, d’après la grille des professeurs des écoles.

Les recrutements :

Mais le compte n’y était pas. Un corps vieillissant qui ne connaissait plus de recrutements depuis bientôt trois ans, et qui devait faire face aux nombreux départs en retraites, détachements et disponibilités de droit, voire même démissions, ne pouvait se contenter de vagues promesses de recrutements. Chacun constatait sur le terrain la nette dégradation des conditions de travail. Heures d’atelier supprimées massivement, heures supplémentaires pléthoriques, volontaires ou imposées, postes reconfigurés et éclatés pour pallier coûte que coûte les manques d’effectifs, refus de temps partiels ou de congés formation, les professeurs de la Ville devaient se mobiliser. C’est ce qu’ils firent dès la fin de l’année scolaire 2011-2012 à l’appel du Snadem. Pétitions auprès des parents d’élèves, des enseignants de l’État et des élus d’arrondissement, multiplications des interventions dans les conseils d’école, les PVP surent sensibiliser tous les partenaires de la communauté éducative parisienne sur leur avenir incertain. Le 10 septembre 2012, ils étaient plusieurs centaines rassemblés sur le parvis de l’Hôtel de Ville pour faire connaître bruyamment leur mécontentement. Si la mairie ne revint pas sur le nombre de postes qu’elle souhaitait offrir sur les listes principales, en revanche, elle laissait timidement espérer une augmentation sur les listes complémentaires…

La bataille de l’ARE :

La réforme de l’Aménagement des Rythmes Éducatifs qui prévoyait le retour à la semaine scolaire de quatre jours et demi occupa largement les débats au second semestre de l’année scolaire 2012-2013. Après avoir envisagé les innombrables difficultés financières et organisationnelles, 80% des communes françaises choisirent de reporter la mise en oeuvre de cette réforme à la rentrée 2014. Paris n’eut pas cette sagesse. Dans son désir d’apparaître comme le bon petit soldat du gouvernement, le maire s’empressa d’appliquer la nouvelle organisation dès septembre 2013, dans des conditions pour le moins hasardeuses et précipitées. Pour les professeurs de la Ville, il n’était pas question de s’impliquer dans un système qui remettait leur statut en cause. L’action du Snadem, avec le soutien inconditionnel de toutes les organisations syndicales des personnels de l’État, fut ici encore déterminante pour sauver le coeur même de nos missions : l’intervention sur le temps scolaire auprès de tous les élèves des écoles publiques de la Capitale, dans le cadre des programmes de l’Éducation nationale. Le 18 février 2013, M. Delanoë annonçait que les PVP « ne sortiraient pas du temps scolaire. »

Le temps des vaches maigres

Pour autant, cette annonce, si elle a conforté le corps des professeurs de la Ville de Paris dans ses missions, n’a pas réglé tous les problèmes. La baisse inéluctable des effectifs engagée depuis le gel des concours s’est poursuivie à un rythme régulier pour atteindre les 10% entre 2008 et 2017. À la suite de son élection à la tête de la Mairie de Paris en 2014, Madame Hidalgo a garanti l’existence du corps des PVP dans ses contours actuels et des recrutements réguliers, mais dans un cadre budgétaire contraint, ce qui s’est vérifié.

Les conséquences ne se sont pas fait attendre. La suppression des heures d’atelier, le recours systématique aux heures supplémentaires ont provoqué le morcellement des postes et la dégradation des conditions de travail. Les mouvements de grève engagés en novembre 2014 et septembre 2016, s’ils ont montré la détermination des professeurs de la Ville n’ont pas permis d’inverser la courbe des recrutements, simplement de la stabiliser.

La mise en place de l’aménagement contesté des rythmes éducatifs en septembre 2013 a également apporté son lot de difficultés en multipliant les conflits d’intérêt entre adultes dans les écoles, centrés autour du partage des locaux et du matériel, en confondant les rôles et les missions. Malgré des progrès certains dans le domaine de la concertation, la fracture entre acteurs scolaires et périscolaires ne s’est jamais vraiment refermée.

Si ces dernières années ont eu leur lot de succès, augmentation de l’indemnité REP, annualisation des heures supplémentaires, c’est dans la difficulté qu’ils se sont construits après d’âpres discussions avec l’administration, rendant plus que nécessaire la présence d’un syndicat fort et engagé.

L’avenir…

Il n’y a pas de personnalisation au Snadem. Votre syndicat n’est pas une autocratie, les secrétaires généraux et les conseillers syndicaux s’y succèdent depuis 40 ans, mais depuis 40 ans, ce sont les adhérents, et eux seuls, qui décident des revendications, des décisions et des actions à mener. En 40 ans de luttes pour défendre encore et toujours les intérêts matériels et moraux des professeurs de la Ville de Paris, les avancées ont été énormes. Les derniers collègues recrutés comme « maîtres-délégués » entre 1974 et 1981, en catégorie B, sans grande perspective de carrière, partent aujourd’hui à la retraite en catégorie A, et pour l’immense majorité, au 7ème échelon de la hors-classe. Ils assuraient 24 heures de service hebdomadaires, ils n’en font plus que 20. Ils n’avaient aucune formation, initiale ou continue, aucun matériel spécifique, pas de professeurs-relais, pas de chargés de mission, pas de mouvement (ils étaient affectés par l’Éducation nationale, dans la plus grande fantaisie), pas d’UGD, ils étaient taillables et corvéables à merci, peu considérés, sinon comme des décharges de service pour les instituteurs, ils peuvent aujourd’hui mesurer le chemin parcouru.

Il ne faut jamais relâcher la pression. En matière de syndicalisme, tout immobilisme se traduit inéluctablement par des reculs, car les acquis ne sont jamais gravés dans le marbre. Nous connaissons actuellement une dure période de régression sociale. De crises économiques en crises financières, de plans sociaux en plans de sauvegarde, de Révision Générale des Politiques Publiques en Modernisation de l’Action Publique, tous les acquis obtenus de haute lutte par nos parents, et les parents de nos parents, parfois, ne l’oublions pas, au prix de leur sang, sont remis en question. Notre système de santé, nos régimes de retraite, la solidarité, la protection sociale, la fonction publique elle-même, garante de l’égalité des citoyens en matière d’éducation, de sécurité, de soins, il n’est rien qui ne soit mis en pièces, démantelé au nom d’une dérive libérale qui prône le « chacun pour soi », et qui génère des égoïsmes, des replis identitaires, de la misère sociale, et trop souvent de la souffrance et du mal-être. Dans ce contexte, il serait tentant de se dire : « À quoi bon ? » À quoi bon aller voter ? Les élus se suivent et rien ne change. À quoi bon les syndicats ? Ils n’empêchent pas les entreprises de licencier. Il serait tentant de baisser les bras. C’est pourtant dans ces moments ingrats qu’il faut savoir resserrer les rangs, qu’il faut se montrer combatif. Il est des périodes fastes où l’on obtient beaucoup. Il en est d’autres, plus difficiles, où l’on s’estime heureux de ne pas trop perdre. C’est parce que les professeurs de la Ville l’ont toujours compris et qu’ils ont toujours su éviter de s’affaiblir dans des divisions stériles qu’ils peuvent aujourd’hui présenter un bilan dont s’enorgueilliraient beaucoup de catégories professionnelles. Nous ne sommes pas assez forts pour nous permettre d’être individualistes, nous ne sommes pas assez nombreux pour nous permettre d’être divisés.

Depuis 40 ans, le Snadem porte les revendications et les aspirations de tous les professeurs de la Ville. Conforté par la confiance que le corps lui a toujours témoigné, il continuera à le faire, résolument, sans faiblesse, comme sans démagogie.

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